Les mécanismes de l'analyse des pratiques professionnelles
Les mécanismes d'analyse des pratiques sont principalement conçus pour faciliter le développement professionnel des praticiens. Ces dispositifs ont pour but de renforcer leurs compétences, d'approfondir leur expertise et de les aider à comprendre les spécificités et les défis de leur environnement professionnel. Le principal objectif est donc de professionnaliser davantage les praticiens, que ce soit par le biais de la formation initiale ou continue, même si d'autres finalités peuvent être attribuées à l'analyse des pratiques professionnelles.
Cet accent mis sur la professionnalisation n'est pas surprenant, car il s'inspire des groupes Balint, une formation continue créée par M. Balint, un médecin et psychanalyste anglais. Ces groupes, constitués d'environ douze professionnels, permettent aux participants de partager et d'analyser leurs expériences professionnelles. L'animateur facilite la discussion, aidant les membres à identifier les dynamiques sous-jacentes dans leurs interactions professionnelles. Après une certaine période (Balint recommandait au moins deux ans), les professionnels peuvent percevoir une amélioration dans leur pratique.
Contrairement à certaines idées reçues, l'objectif des groupes Balint n'est pas de fournir une thérapie, mais une formation. Cette approche a été conçue à la fin des années 1940 en réponse à une demande du National Health Service, qui souhaitait offrir une formation supplémentaire en psychologie et psychiatrie aux médecins généralistes. Au lieu de proposer des cours traditionnels, Balint a mis en place un séminaire basé sur des études de cas rapportées par les participants.
En fin de compte, bien que les méthodes inspirées par Balint puissent être adaptées de différentes manières, l'objectif principal reste la professionnalisation des praticiens, en particulier dans le cadre de la formation continue.
Quelles sont les pratiques professionnelles en question?
Selon notre définition initiale, il semble y avoir une limite car elle fait référence principalement aux professionnels engagés dans des interactions significatives. Si l'on se base sur la distinction aristotélicienne, évoquée par Castoriadis et d'autres, entre poïesis (création) et praxis (action), nous nous concentrons ici sur praxis. Plus précisément, nous différencions les activités centrées sur la création et la production (poïesis) de celles orientées vers l'interaction avec autrui (praxis), et c'est principalement cette dernière qui retient notre attention.
Que l'on parle d'intervention ou d'interaction avec autrui, ou encore des "métiers de l'humain", nous visons un ensemble d'activités, les praxis-pratiques, marquées par une relation spécifique : éducative, formative, d'assistance, de guidance, de soin, etc. Ces pratiques sont aujourd'hui examinées à travers le prisme de la relation de service, qui tend parfois à simplifier l'interaction en une simple transaction.
Bien que l'analyse des pratiques professionnelles s'étende à de nombreux domaines, la distinction entre poïesis et praxis reste pertinente, nous guidant vers des approches axées sur la seconde catégorie d'activités.
Des références variées:
Quels que soient leur nombre et leur diversité, nous pouvons les classer selon la distinction précédente entre poïesis et praxis. D'un côté, il y a les groupes axés sur l'analyse du travail (comme l'ergonomie) qui s'attardent aux aspects techniques des activités. De l'autre, il y a ceux qui se concentrent sur les praxis-pratiques avec une approche clinique, mettant l'accent sur les dimensions relationnelles et impliquant activement les professionnels dans le processus d'analyse.
La psychosociologie, en tant que cadre théorique, a certainement joué un rôle crucial dans le développement de ces approches, surtout grâce à son éclairage sur les interactions et les dynamiques de groupe. En effet, les groupes Balint ont été influencés tant par la psychosociologie que par la psychanalyse.
Cependant, ces deux dernières décennies ont révélé une convergence entre les approches centrées sur l'analyse du travail et celles axées sur l'analyse des praxis-pratiques. Cette fusion est illustrée par l'évolution de la pensée de J.-M. Barbier au fil des années. Désormais, l'intérêt se porte davantage sur la manière dont les professionnels verbalisent leur action, menant à de nouvelles méthodes d'analyse comme l'entretien d'explicitation, la didactique professionnelle, ou encore la clinique de l'activité.
Au-delà de la distinction entre analyse du travail et analyse des pratiques, un autre critère différenciant les systèmes de référence est leur portée : globale ou focalisée. C'est-à-dire, analyse-t-on l'activité professionnelle dans son ensemble ou se centre-t-on sur un aspect spécifique ? Par exemple, dans la formation initiale des enseignants, il y a une nette différence entre l'analyse de pratiques conceptualisée par M. Altet et les "SCAPE" de l'IUFM de Grenoble, qui mettent l'accent sur l'aspect inter-relationnel de la pratique enseignante.
Différentiation des outils d'analyse
Sur la base de notre interprétation de l'analyse des pratiques professionnelles, c'est le type de dispositif qui est essentiel pour les distinguer.
On peut premièrement distinguer les analyses en fonction de leur cadre : formation initiale ou continue. La seconde séparation concerne l'objectif : formation ou intervention.
La première distinction n'est pas étonnante, sachant que l'orientation Balint a principalement été utilisée dans le cadre de la formation continue. Cependant, l'usage du terme "groupes Balint" a parfois masqué les intentions initiales de M. Balint.
Quels sont alors les critères distinctifs entre les groupes Balint et les groupes d'analyse de la pratique?
La nature de l'analyse : les groupes Balint se concentrent sur la réalité psychique, tandis que les groupes d'analyse de la pratique ont une orientation psychosociale.
La profession par rapport à l'activité : ce sont les valeurs et croyances liées aux situations professionnelles qui sont analysées.
L'implication : dans l'analyse de la pratique, le professionnel est considéré comme un acteur social, alors que dans les groupes Balint, il est vu en relation avec son histoire personnelle.
Point clés à retenir :
- Malgré leurs différences, tous ces groupes visent le développement personnel.
- En formation initiale, l'objectif est de sensibiliser les futurs professionnels aux interactions professionnelles.
- Que se passe-t-il quand cette analyse est effectuée hors d'un cadre formel de formation?
- L'intervention se distingue de la formation, même si souvent, les termes sont utilisés de manière interchangeable.
- En intervention, la dynamique collective est centrale.
- L'importance de travailler en collectif est souvent sous-estimée.
- Le terme "intervention" est utilisé lorsqu'il s'agit d'une demande spécifique à une organisation ou à un collectif.
- Dans ces situations, les interactions sont influencées par le contexte organisationnel.
- D'autres distinctions apparaissent, basées sur divers facteurs, tels que le type de professionnels, leur activité, leurs clients, et la position de l'intervenant.
- En supervision, l'accent est mis sur la relation avec les clients, avec une orientation soit psychanalytique, soit psychosociologique.
- En consultation, l'analyse se concentre sur l'organisation et ses dynamiques.
- Cependant, dans la pratique, les deux approches sont souvent entrelacées.
- Indépendamment des outils utilisés, le but principal est toujours la formation et la professionnalisation, se différenciant ainsi d'autres formes d'échanges professionnels.